Depuis la réforme du 27 juillet 2023, les règles encadrant les délais de grâce en cas de loyers impayés et la suspension des effets de la clause résolutoire en cas d’impayés ont été profondément modifiées.
Cette évolution vise à accélérer les procédures d’expulsion tout en responsabilisant les locataires.
⚖️ 1. Le cadre juridique du délai de grâce
1.1. Principe général
Le délai de grâce est une mesure prévue par l’article 1343-5 du Code civil.
1.2. Application en droit locatif
En matière de bail d’habitation, le dispositif est encadré par l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, qui prévoit la clause résolutoire pour défaut de paiement.
Le juge des contentieux de la protection peut suspendre les effets de cette clause et accorder un délai de paiement pouvant aller jusqu’à trois ans, sous conditions.
🏛️ 2. Ce que change la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023
2.1. Réduction du délai entre commandement et acquisition de la clause résolutoire
Avant la réforme, la clause résolutoire prenait effet deux mois après la délivrance d’un commandement de payer demeuré infructueux.
Depuis la loi n° 2023-668, ce délai est réduit à six semaines pour les baux conclus après le 29 juillet 2023.
Cette mesure vise à éviter les situations d’impayés prolongés et à raccourcir la durée des procédures d’expulsion.
2.2. La nouvelle condition de reprise du paiement du loyer courant
C’est la principale nouveauté introduite par l’article 24, VII de la loi modifiée :
« Lorsque le juge est saisi en ce sens par le bailleur ou par le locataire, et à la condition que celui-ci ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience, les effets de la clause de résiliation de plein droit peuvent être suspendus pendant le cours des délais accordés par le juge. »
En clair :
- Le locataire ne peut plus obtenir de délai de grâce en cas d’impayé de loyers s’il n’a pas repris le paiement intégral du loyer courant avant l’audience.
- Si le juge accorde un délai, la suspension cesse automatiquement dès le premier impayé ou en cas de non-respect du plan de remboursement.
- Si le locataire règle intégralement sa dette dans les délais, la clause résolutoire est réputée ne pas avoir joué.
📊 3. Tableau récapitulatif
| Situation | Avant loi 2023-668 | Depuis loi 2023-668 |
|---|
| Délai avant acquisition de la clause | 2 mois | 6 semaines |
| Condition pour suspension de la clause | Aucune condition expresse Appréciation par le juge de la capacité du locataire à régler sa dette | Paiement intégral du loyer courant avant audience |
| Durée maximale du délai de paiement | 3 ans (art. 1343-5 C. civ.) | 3 ans (inchangé) |
🧾 4. Points pratiques pour les bailleurs
Un bailleur souhaitant engager une procédure doit produire :
- le bail et la clause résolutoire,
- le commandement de payer délivré par huissier,
- la preuve du non-paiement,
- et, le cas échéant, la preuve que le locataire n’a pas repris le paiement courant.
❓ 5. Foire aux questions (FAQ)
Le juge peut-il suspendre la clause sans reprise du loyer courant ?
Non. L’article 24, VII est explicite : le locataire doit avoir repris le paiement intégral du loyer courant avant l’audience.
Quelle est la durée maximale du délai accordé par le juge ?
Jusqu’à trois ans, sur le fondement de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 : « V.-Le juge peut, même d’office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l’article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative ».
Le délai de six semaines s’applique-t-il aux anciens baux ?
L’avis de la Cour de cassation du 13 juin 2024 précise que les baux en cours
ou qui n’ont pas été encore renouvelés ou nouvellement conclus depuis l’entrée en vigueur de la loi du 27 juillet 2023 (donc le 29 juillet 2023) demeureront régis par les stipulations contractuelles qui les régissent, qui étaient elles-mêmes « calquées » sur l’ancien régime légal, c’est-à-dire une clause résolutoire ne pouvant produire effet avant un délai
de deux mois après le commandement de payer.
Que se passe-t-il si le locataire cesse à nouveau de payer ?
La suspension prend fin automatiquement et la clause résolutoire retrouve son effet.
📚 6. Références légales
- Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, art. 24, modifié par la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023.
Source : Legifrance - Loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023, Journal Officiel du 28 juillet 2023.
- Cour de cassation, avis du 13 juin 2024, n° 24-70.002.
- Service-public.fr – “Expulsion pour loyers impayés : les nouvelles règles 2023”.
✅ 7. À retenir
- Le délai avant acquisition de la clause résolutoire est désormais de six semaines.
- La reprise du paiement courant devient une condition obligatoire pour tout délai de grâce.
- Le juge garde la main, mais sa marge d’appréciation est encadrée.
- En cas d’impayé, la procédure doit être sécurisée dès le commandement de payer.
✍️ Me Alexandra Mondini


