Au-delà du paiement des loyers et charges, qui constitue son obligation principale, le locataire doit user paisiblement des locaux loués, conformément à la destination prévue par le bail (loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, art. 7 b).
Lorsqu’il ne respecte pas cette obligation, il engage sa responsabilité et s’expose à des sanctions, pouvant aller jusqu’à la résiliation judiciaire de son bail et son expulsion. Le bailleur, et en cas de carence, le syndicat ou les copropriétaires, disposent de plusieurs moyens d’action.
I. Les nuisances constitutives d’un manquement à l’obligation de jouissance paisible
La jurisprudence retient de nombreux comportements fautifs constitutifs de troubles anormaux de voisinage :
- Injures écrites et réitérées adressées au bailleur ou aux voisins (CA Montpellier, 18 avr. 1991, n° 87/1470).
- Violences physiques (Cass. 3e civ., 2 juill. 1997, n° 95-16.632).
- Comportements violents et injurieux à l’égard des habitants de l’immeuble, même si le locataire est sous mesure de protection ou souffre d’un handicap psychologique (Cass. 3e civ., 8 nov. 1995, n° 93-10.853 ; CA Paris, 15 déc. 2016, n° 14/2130018 ; CA Dijon, 24 avr. 2008, n° 07/01286).
- Nuisances sonores répétées, notamment de nuit (CA Paris, 19 oct. 2006, n° 05/25089).
L’article R. 1334-31 du Code de la santé publique précise qu’aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage.
Exemples jurisprudentiels :
- Constitue un trouble anormal le fait de jouer du piano et de la guitare, accompagné de battements de pieds, jusque tard dans la nuit (CA Paris, 30 oct. 2013, n° 12/11038).
- En revanche, jouer du piano une à deux heures par jour ou en soirée, même pour un débutant, n’excède pas un trouble normal de voisinage (CA Paris, 7 oct. 1999, Juris-Data n° 024450).
II. Les recours du bailleur
1. Le congé pour motif légitime et sérieux
Lorsque le locataire manque gravement à ses obligations, le bailleur peut délivrer un congé pour motif légitime et sérieux. Il doit alors motiver son congé et produire les preuves des manquements constatés.
2. La résiliation judiciaire du bail
Le bailleur peut saisir le tribunal afin d’obtenir la résiliation judiciaire du bail et l’expulsion du locataire. Le juge exigera un dossier solide démontrant la gravité, l’imputabilité et la persistance des troubles.
3. La responsabilité du bailleur face à la copropriété
Le bailleur est garant du comportement de son locataire vis-à-vis de la copropriété. Sa responsabilité peut être engagée :
- en cas de violation du règlement de copropriété (Cass. civ. 3, 16 juill. 1996, n° 94-20.836) ;
- si son locataire exerce une activité prohibée (CA Paris, 28 janv. 1999, n° 020054) ;
- en cas de travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble (CA Paris, 28 déc. 2009, n° 2009-380011).
III. L’action oblique en cas de carence du bailleur
1. Principe
L’article 1341-1 du Code civil permet au syndicat ou aux copropriétaires d’agir à la place du bailleur défaillant pour préserver leurs droits. On parle d’action oblique.
« Lorsque la carence du débiteur dans l’exercice de ses droits et actions à caractère patrimonial compromet les droits de son créancier, celui-ci peut les exercer pour le compte de son débiteur, à l’exception de ceux exclusivement rattachés à sa personne. »
2. Applications pratiques
Le syndicat peut ainsi obtenir la résiliation du bail et l’expulsion du locataire lorsque celui-ci ne respecte pas ses obligations, et que le bailleur reste inactif :
- Cass. civ. 3, 14 nov. 1985 : reconnaissance de l’action oblique par le syndicat.
- Cass. civ. 3, 20 déc. 1994 : le syndicat peut demander résiliation et expulsion en cas d’activité nuisible.
- CA Versailles, 21 oct. 2008 : résiliation obtenue car le locataire nourrissait les pigeons, créant des nuisances.
- Cass. civ. 3, 8 avr. 2021 : tout copropriétaire peut demander la résiliation via l’action oblique lorsque le locataire méconnaît le règlement.
3. Condition essentielle : la carence du bailleur
L’action oblique n’est recevable que si la carence du bailleur est établie. A contrario, la Cour de cassation a rejeté une action en raison de l’absence de preuve de cette carence (Cass. civ. 3, 12 juill. 2018, n° 17-20.680).
Tableau récapitulatif
| Situation | Acteur pouvant agir | Fondement juridique | Conséquences possibles |
|---|---|---|---|
| Nuisances commises par le locataire | Bailleur | Loi 1989, art. 7 b ; règlement copropriété | Congé, résiliation judiciaire, expulsion |
| Bailleur n’agit pas malgré les troubles | Syndicat / copropriétaires (action oblique) | Art. 1341-1 C. civ. | Résiliation du bail, expulsion |
| Locataire viole le règlement copropriété | Bailleur / Syndicat | Responsabilité contractuelle et délictuelle | Dommages-intérêts, résiliation du bail |
| Bailleur tolère les troubles | Copropriétaires | Responsabilité du bailleur | Condamnation à indemniser |
Conclusion
La responsabilité du locataire dépasse le cadre de ses relations avec son bailleur : ses manquements affectent l’ensemble de la copropriété. Le bailleur doit agir rapidement pour faire cesser les troubles, faute de quoi sa propre responsabilité peut être engagée. À défaut, le syndicat ou les copropriétaires disposent d’un levier puissant : l’action oblique, permettant d’obtenir la résiliation du bail et l’expulsion du locataire en lieu et place du bailleur.
Le cabinet DCM Avocats, installé à Cannes, accompagne bailleurs, syndics et copropriétaires dans ces démarches, de la constitution du dossier de preuves à la procédure judiciaire.
FAQ
1. Quelles nuisances peuvent justifier la résiliation d’un bail ?
Les nuisances sonores, violences, insultes, comportements agressifs, ou toute violation du règlement de copropriété.
2. Le bailleur peut-il donner congé pour nuisances ?
Oui, à condition de motiver le congé et de démontrer des manquements graves et répétés du locataire.
3. Qu’est-ce que l’action oblique en copropriété ?
C’est la possibilité pour le syndicat ou les copropriétaires d’agir à la place du bailleur défaillant pour demander la résiliation du bail.
4. L’action oblique est-elle toujours recevable ?
Non, elle nécessite de prouver l’inaction du bailleur.
5. Le bailleur peut-il être tenu responsable des troubles causés par son locataire ?
Oui, s’il laisse perdurer les nuisances sans intervenir.
- Délais de grâce en cas d’impayés de loyers – clause résolutoire : ce que change la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023
- Contribution aux charges du mariage : comment quantifier l’excès contributif
- Clause résolutoire et expulsion : comprendre la réalité de la procédure
- Mon locataire crée des nuisances dans la copropriété : que faire ?


